lundi 18 février 2008

civilisation ! ? ...

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Amusons nous un peu.

Ce dimanche soir, je m’en retourne de l’exposition de l’Institut du monde arabe sur les Phéniciens. Toute la semaine, les affiches dans le métro me répétaient de station en station le même slogan inscrit dans un tridacne: « Quel visage avait la civilisation qui nous a donné l’alphabet ».

Or, vous le savez, depuis les vœux de notre Président, toute la bonne société s’interroge sur ce qu’est une « politique de civilisation ». Soucieux d’en faire partie, je me dis que je vais peut-être trouver quelques éléments d’explication à l’Institut du Monde Arabe.

Déambulant au milieu d’œnochoés à bobèche, d’oenochoés trilobées, de sarcophages, d’amulettes, d’aryballes et autres alabastres à onguents, d’œufs d’autruche, de statuettes de femmes aux bras écartés et de tridacnes, peu à peu, une certitude se forge dans mon esprit : la civilisation que construit Nicolas Sarkozy n’est pas une civilisation. Elle est trop ridicule au regard de celles qui ont franchi les siècles pour venir jusqu’à nous.

Jugez-en par vous-même :

Une civilisation, c’est une langue avec un alphabet
. Les Phéniciens ont inventé un système d’écriture simple où chaque son est représenté par un signe simple appelé lettre. Cet alphabet est apparu au Proche-orient autour de 1500 av. J.-C. Il va influencer tous les peuples de la Méditerranée et au-delà. Nicolas Sarkozy, lui, se veut le grand simplificateur de la langue française, « parce que si l'on ne parle pas notre langue, dit-il, c'est difficile d'espérer progresser. Le vocabulaire est un instrument de liberté ; l’orthographe, par quoi notre langue se tient debout ; la grammaire, qui est le commencement de toute pensée qu'il faut débarrasser de l'invraisemblable charabia dans lequel on l'a enveloppée et qui l'a rendue presque aussi incompréhensible pour les enfants que pour les parents (…) : toutes ces disciplines, orthographe, grammaire, toutes ces disciplines seront remises, à l’honneur. Sans parler de la pratique du langage texto, je suis terrifié lorsque j'en reçois un.[ndlr : « Si tu reviens, j’arrête tout »] Il faut voir ce qu'est la langue texto pour le français. Si on laisse faire, dans quelques années on aura du mal à se comprendre ». (Discours de Périgueux, 15 février 2008)

Une civilisation, c’est un ensemble de croyances
, qui permettent de différencier le bien et le mal, croyances parfois importées d’autres rivages, parfois de son propre fait. Pour les phéniciens, ce furent des divinités venues du Nil et ce fut Astarté. Pour Nicolas Sarkozy, c’est le Dieu de Benoît XVI : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, dit notre nouveau prophète, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, p1eda40368c9c002ed93d1a39fbb9fb29.jpgarce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. » (Discours au Palais du Latran, 20 décembre 2007). Mais c’est aussi, la croyance dans les médias, l’espérance dans les sondages (1). Et la photographie remplace tous les mots.

Une civilisation rêve d’Empire
. Pour les Phéniciens de Tyr, Sidon et Byblos, c’est la Méditerranée. Pour Nicolas Sarkozy … aussi : « Faire de la Méditerranée, de sa résistance à l’uniformisation du monde, la plus grande source de créativité au milieu de la mondialisation, et à partir de là rendre vivante au centre de l’économie globale une idée de l’homme et de la civilisation. (…) La Méditerranée c’est un enjeu pour notre influence dans le monde. C’est un enjeu pour notre manière de vivre avec les autres. C’est un enjeu pour notre cohésion nationale et c’est un enjeu pour chacun d’entre nous. (…) Faire une politique de civilisation, voilà à quoi nous incite la Méditerranée où tout fut toujours grand, les passions aussi bien que les crimes, où rien ne fut jamais médiocre, où même les Républiques marchandes brillèrent dans le ciel de l’art et de la pensée, où le génie humain s’éleva si haut qu’il est impossible de se résigner à croire que la source en est définitivement tarie. La source n’est pas tarie. Il suffit d’unir nos forces et tout recommencera. » (Discours de Toulon, 7 février 2007)

Alors qu’elle visage a la civilisation que nous a donné Sarkozy ?


Hypothèse: celui d'une dégénérescence...


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Max.


(1) « Il faut envisager le journalisme comme une croyance, peut-être l’ultime croyance d’une époque qui se pense incroyante. Le journalisme ne croit qu’en ce qu’il montre, c’est-à-dire en un monde intégralement lisible. (…) L’époque n’est plus aux grands délires interprétatifs, ni aux théories générales, mais à la modestie. Le journalisme ne promet pas un monde meilleur, il promet de vous livrer le monde. Post-révolutionnaire, délivrée de toute transcendance, l’idéologie de l’information est celle d’un monde dans lequel le désenchantement est arrivé à son terme. Encore qu’il serait permis de décrire l’âge médiatique comme celui d’un ré-énchantement pour enfants, en technicolor, destiné à distraire une humanité lasse de sa grandeur et de sa cruauté passées. (…) En somme, le sortie du religieux a fait place au politique et, à la fin du politique, il y a le médiatique dont le journalisme est l’avant-garde éclairé. » Philippe Cohen, Elisabeth Lévy, Notre métier a mal tourné. deux journalistes s'énervent, Mille et une nuits, 2008.

(2) Vous aurez reconnu, un masque grimaçant phénicien (Carthage, Tunisie, fin VIIè - décut VIè av. J.-C., terre cuite, 19 x 16, Paris, musée du Louvre) et sa pâle copie actuelle et celle de demain...

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