vendredi 11 janvier 2008

modèle anglais


Il est parfois utile de se demander, en regardant ce qui se fait ailleurs, ce que peuvent devenir les décisions que nos gouvernants prennent. L'occasion nous en est donné ces jours-ci au sujet du contrôle, sans cesse grandissant, sur les bénéficiaires de l'aide sociale, vous savez, ce fardeau de l'homme libéral.

Pour commencer, je reprend un passage d'un
article du journal Le Monde du 9 janvier 2007 qui reprend un papier de La Tribune.

«Le décret soumettant le bénéfice du revenu minimum d'insertion (RMI) "à une évaluation des biens et des éléments de train de vie" comme prévu dans la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2007 "va paraître dans les prochains jours", annonce La Tribune dans son édition de mercredi 9 janvier. Le texte "s'appliquera au 1er janvier 2008, soit plus d'un an après le vote de la loi", précise le quotidien économique.

Rappelant que le RMI n'est jusqu'à présent "soumis qu'à condition de ressources", La Tribune explique que "le droit au RMI sera ainsi remis en cause lorsque le montant de l'évaluation atteindra ou dépassera la moitié du montant annuel du revenu minimum." "Les prestations familiales – prestation d'accueil au jeune enfant, complément familial, allocation de rentrée scolaire et allocation de parent isolé – et la CMU Complémentaire (CMU-C) seront soumises à la même procédure d'estimation du train de vie des bénéficiaires", est-il ajouté.»

Dans le droit fil des politiques libérales de nos amis les Grands Bretons, le gouvernement de la France qui a branché depuis plusieurs années son détecteur de conneries, continue l'installation de son régime de culpabilisation généralisée. "Mais bon, madame, vous comprenez, faut arrêter avec l'assistanat. Ca ne mène nulle part. Et pour dire les choses comme je les pense, il n'y a pas de chomeurs dans notre pays, il n'y a que des gens qui ne veulent pas travailler".

Bon. mais si les Englishs sont un modèle ce doit être parce qu'ils ont pris de l'avance en terme de "civilisation". TF1, jamais à cours de publicité pour ce genre de progrès, le 19 septembre 2007 déjà, évoquait dans un reportage de Catherine Jentile à Londres, l'exemple des détecteurs de mensonges destinés à vérifier les dires de ceux qui aiment rester au chaudmage. France 2 a fait le 5 décembre un sujet là dessus aussi mais je trouve celui de TF1 plus instructif. Cela dur 1 minutes 33 et ca vaut le coup:



On y détaille le processus de surveillance. Des opérateurs téléphoniques tentent de piéger les fraudeurs potentiels en commançant par des questions anodines (le rythme cardiaque du chomeur est alors normal. Vu qu'il dort tout le temps, ce n'est pas dur. Une question sur son code postal suffira) et enchaînant par des questions visant à le retourner. Le directeur du centre se félicite "3 mois, 200 fraudeurs, 170 000 euros".

Et Catherine Jentile de conclure par ces mots:

«Un projet qui, pour l'instant, en tout cas, ne sucite aucun débat ici. En effet, personne ne s'insurge contre l'utilisation des détecteurs de mensonges réservés jusqu'à présent aux délinquants et aux criminels»

Même si j'ai appris, petit, que la Grande Bretagne était réputée pour ses élevages de moutons, je m'étonne du «personne ne s'insurge».
Mais passons. Je m'attache plutôt aux derniers mots: «des détecteurs de mensonges réservés jusqu'à présent aux délinquants et aux criminels».

Et là, je vois Rachida Dati. Et son projet de loi dit" de rétention de sureté" qui consiste à garder en prison certains criminels [1], ce qui fait dire à Robert Badinter:

«Avec la loi nouvelle, le lien est rompu : il n'y a plus d'infraction commise, mais un diagnostic psychiatrique de « dangerosité », d'une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes. Que reste-t-il de la présomption d'innocence dans un tel système ? Après un siècle, nous voyons réapparaître le spectre de « l'homme dangereux » des positivistes italiens Lombroso et Ferri, et la conception d'un appareil judiciaire voué à diagnostiquer et traiter la dangerosité pénale. On sait à quelles dérives funestes cette approche a conduit le système répressif des Etats totalitaires». [2]

Alors, pour en revenir à notre histoire. Je fais un collage du modèle anglais et de Rachida Dati, des propos de Catherine Jentile et de Robert Badinter et je me dis que le temps n'est peut-être pas si loin qui verra un projet de loi proposer que l'on institue que tous les travailleurs, déjà chômeurs potentiels dans notre régime libéral, soient considérés comme des assassins des comptes publics. Et compte tenu de leur dangerosité et de leur prédisposition à l'oisiveté, le projet de loi établira alors qu'il n'est plus utile d'avoir d'assurance chômage, ni de quelconques allocations.

Et, le 9 janvier 2012, à la question de la journaliste «Souhaitez vous que 2012 soit la fin, au moins réelle, des systèmes d'allocations ?», Nicolas Sarkozy répondra: «pour dire les choses comme je les pense, oui ».


[1] voir article du
Monde du 7 janvier 2001
[2] Le Monde du 28 novembre 2007

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