Cette semaine, le Point a décidé d'être pointilleux. Le Point pointe. Il comptabilise, recense, énumère les petites révérences et grandes flagorneries de ce qu'il appelle la Cour de Nicolas Sarkozy. Mais, il en oublie. Et pas des moindres: les siennes...
Commençons par l’article de ce qui semble bien être un expert, le très Point-u Saïd Mahrane, p.33-34. Titre : « l’art de flagornerie ». La scène : « Mercredi 9 janvier, 18h30, salle des fêtes de l’Elysée. Un petit groupe de députés UMP, venus recevoir les voeux du président de la République, gesticulent entre deux tapisseries. Avec un air matois il s’attrapent par le bras et se font des messes basses. Très vite, on comprend qu’il s’agit pour eux de savoir par où Nicolas Sarkozy fera son entrée, histoire de se mettre sur son chemin et de lui toucher la main ».
Les acteurs : « Ils sont conseillers, ministres, hommes d’affaires, histrions du PAF, acteurs, journalistes. De droite, de gauche ou politiquement athées. Ils sont passés maîtres dans l’art de la flagornerie. Leur propre miroir ne les supporte plus. C’est la Cour. »
Suit un lourd descriptif de l'inutilité de cette cour tellement le Président semble s’en moquer. On sent que notre expert a du s’aider de Saint-Simon pour dresser portraits, user vocabulaire et décrire ainsi les vils procédés de ces flagorneurs.
Mais, il y a comme un problème. Une sorte de contradiction. Notre Point-ure du journalisme, p. 34, ne peut s’empêcher de flatter le séant de notre cher Président. Et là, on découvre l’expert, le vrai. Non pas celui qui sait voir dans l’oeil des autres les bassesses dont ils peuvent être les commetteurs. Mais l’expert en flagorneries. Lui-même. Car comment salir la Cour sans salir le Roi ? Il fallait se faire maître en la matière. Ce qu’ils n’aiment pas au Point, ce n’est pas la flagornerie, mais les flagorneurs, la concurrence quoi. Jugez-en par vous-mêmes. Un nota bene, en fin d’article : « les journalistes ne sont pas en reste. Il fallait voir Sarkozy à cheval en Camargue, durant la campagne présidentielle, tacquiner les joyeux journaleux qui le suivaient, amassés sur une remorque. Eux, hilares, en redemandaient. Lui jubilait. Ray-Ban sur le nez, beau comme Stallone. Ou était-ce Napoléon prenant la pose sur le col du Grand-Saint-Bernard... ? »
Cet article suscite donc dans mon esprit un Point d’interrogation. L’art de la flagornerie, puisqu’il existe, ne consisterait-il point à flétrir les autres pour mieux flatter soi-même ?. « L’habit ne fait pas le moine », dit une maxime. Mais « la plume refait l’oiseau », nous dit une autre. Et en feuilletant l’hebdomadaire, on s’aperçoit que la plume des journaleux refait plutôt bien l’oiseau Sarkozy. Et si c’est un art, c’est du Point-illisme, par petite touche par ci par là.
Petit manuel de détection de l’art de la flagornerie :
Point 1 – La flagornerie se cache dans la contradiction. Claude Imbert dans son éditorial, p.3. Intense réflexion sur la révolution en marche aux Etats-Unis qui voit le camp démocrate devoir choisir entre un Noir et une femme. Claude Imbert dit : « De cet Etat-continent, de ce peuple cosmopolite de Blancs, Noirs, Latinos et Jaunes monte d’ors et déjà une spectaculaire et forte vague de renouvellement et d’innovation ». Devant tant d’ouverture à l’autre, on se dit que le Claude aura du mal à soutenir la politique sarkozienne. Et bien non. Pourquoi se gêner? A la fin de l’éditorial : « Face aux nouveaux géants du monde, l’Europe n’a pas encore soigné les poisons dissolvants de son élargissement. Sarkozy, et tant mieux, a réparé la porcelaine atlantique. Sa « politique de civilisation » ne s’édifiera pas, loin de l’Amérique, dans l’amour irénique du genre humain. Une politique de civilisation doit d’abord protéger ce qui fait ce qu’elle est. Car le Mal court. Et contre lui nous sommes dans le même bateau ».
Point 2 – La flagornerie se cache dans la blague bravache. Patrick Besson, p.13 (« 24 conseils au président de la République en vue de ses noces avec Mademoiselle Bruni »). Entre autres : conseil n°23, « un tatouage pourrait lui plaire, mais éviter le piercing à la langue : vous parler quand même beaucoup ». No comment.
Point 3 – La flagornerie se cache dans la République. Sylvie Pierre-Brossolette, p. 31 et 32, nous narre le grand Charles croqué en Louis XIV par le Canard, « les courtisans à particule de VGE », « le bon plaisir mitterrandien », « la trinité Chirac ». Mais, nous dit-elle, avec Sarkozy, ce n’est pas pareil. « La seule différence de la cour de Nicolas 1er par rapport à celle de ses prédécesseurs, c’est sans doute l’inquiétude. (…) Aujourd’hui, [les courtisans] craignent de subir un moins, étreints par une anxiété paralysante, les puissants se sachant notés et jugés aux résultats ».
Point 4 – La flagornerie se cache dans la référence historique. Max Gallo, par ailleurs, rédacteur de discours de président, nous en convainc, p.40. « En fait nous changeons d’époque. Le rideau de l’hypocrisie et du mensonge social qui recouvrait la France puis le dernier tiers du XIXème siècle se déchire. Et cela gêne d’abord les élites compassionnelles. Elles dissimulent leur mode de vie et leurs revenus. Elles haïssent Sarkozy parce qu’il ose rompre avec l’hypocrisie bourgeoise, qu’il ne faut pas confondre avec la pudeur, la réserve, la discrétion, la retenue, l’humilité ». C'est sûr les élites du Point ne sont pas compassionnelles.
Point 5 – (Enfin) La flagornerie se cache dans des cercles concentriques (si, si, je vous jure). Marc Fumaroli de l’Académie française, p.42 (en face de la publicité pour le film sur Charlie Wilson). « Le prince démocratique contemporain n’a pas affaire à une seule cour, mais à la houle de trois cours concentriques [si j’ai bien suivi, celle des gens de pouvoir, celle des « petits espions de l’information, de la publicité et du divertissement de masse » et celle des « citoyens électeurs »]. S’il veut garder la ligne de conduite qu’il s’est fixé, il doit surfer sur ces trois houles à la fois, qui cherchent à le renverser en même temps qu’elles le portent. Il (ou elle) joue sans filet. L’exercice du pouvoir démocratique ne relève plus de l’art du théâtre, mais du sport à haut risque, du cirque, de la tauromachie ». Plus fort que Louis XIV. Je ne sais pas vous, mais là, j’ai le mal de mer.
En tout cas, une chose est certaine. Le Point a beau user de tous les stratagèmes pour nous faire croire qu’il ne mange pas de ce pain là, il semble bien qu’il en soit gavé.
Cette semaine, donc, un Point culminant d’hypocrisie...
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